Le management collaboratif en question ?
Vous avez toutes et tous déjà entendu, voire formulé vous-même ces critiques adressées au management collaboratif : « simple effet de mode ! ; le nouveau « Da Da » du patron ; un gadget qui nous fait perdre du temps ; un truc qui donne bonne conscience aux dirigeants ; un argument marketing pour la marque employeur ; un modèle pour réduire le nombre de managers ; ça marche seulement quand tout va bien ; si on n’atteignait les résultats par la bienveillance, ça se saurait… »
De l’autre côté, ses promoteurs en vantent les bénéfices. A l’échelle de l’entreprise, on évoque des progrès sur le turn-over, le nombre d’arrêts maladie ; les prises d’initiatives et la créativité génèrent une hausse de la qualité ou encore contribue la réduction des coûts. On fait référence à des études attestant du fait que les résultats sont plus facilement atteints. L’image employeur s’en trouve aussi renforcée. Au niveau des équipes, la perception de « jouer en équipe » s’installe, le sentiment appartenance et la fierté grandissent. En apportant une contribution personnelle réelle, les salariés se sentent écoutés et pris en considération dans leur singularité. C’est aussi source d’apprentissage et de développement. Car être responsabilisé permet de grandir. Tout ceci conjugué fait croître le sens donné à son travail et l’engagement de chacun.
Dans tous ces débats, je suis souvent frappée de voir que personne ne parle vraiment de la même chose… Les confusions entre management coopératif et management collaboratif sont fréquentes. Souvent présentés comme équivalents, ils sont bel et bien à différencier…
On pourrait donc définir le travail collaboratif comme une forme de coopération plus aboutie. Les membres de l’équipe sont amenés à mutualiser leurs appétences, leurs compétences, leur énergie et leurs efforts pour obtenir un résultat. Le collectif se responsabilise pour porter collectivement le résultat. Le manager, lui, en est responsable. La nuance est de taille !
La question qui nous vient alors en tête immédiatement… « Mais alors à quoi sert le manager ? ». Rassurez-vous. Son rôle est incontournable… En effet, dans un environnement collaboratif, avec des projets nécessitant une pluralité de compétences, le manager devra œuvrer pour créer les meilleures conditions de travail pour son équipe. Il devra favoriser l’avancement du projet et adoptera souvent une posture de facilitateur. Il ne décidera pas à la place du collectif, ne fera pas à la place de, et laissera chacun prendre les initiatives où il se sent le plus à l’aise. En revanche son rôle consistera à poser un cadre clair (objectifs, moyens etc.), à régulièrement challenger ses collaborateurs et leurs propositions et décisions, apporter son regard critique. Il acceptera parfois les erreurs formatrices pour le groupe, organisera des temps de feedbacks, régulera, facilitera des temps d’apprentissage si nécessaire. Bref autant de rôles exigeants, passionnants et cruciaux pour la réussite de son équipe.
Dès lors se pose aussi très vite la question des compétences… reposant selon moi davantage sur le savoir-être et une forme de maturité, que sur des techniques acquises en formation. Bienveillance et exigence, connaissance de soi, intelligence émotionnelle, maîtrise de l’ego capacité à tenir un cadre, à donner envie, à mettre en mouvement, aimer accompagner et développer les talents…
Si le management collaboratif fait l’objet d’innombrables échanges ou débats sur le web, les réseaux ou en entreprise, je crois que sa traduction concrète et quotidienne dans nos environnements professionnels est finalement encore relativement limitée, compte tenu des exigences qu’il implique.
Première chose, il n’est tout d’abord pas adapté à tous les secteurs d’activité (par exemple certaines industries très normées pour des raison de sécurité). Mais surtout, il exige de telles aptitudes en matière de savoir-être et de confiance en soi et les autres, que peu nombreux sont les managers et les dirigeants en capacité de recourir à un tel modèle, dans la durée et en toute circonstance. Et c’est vrai que le reflex naturel, lorsque les situations se tendent en entreprises, en particulier si les résultats ne sont pas au rendez-vous, c’est le retour à la directivité et au contrôle. Parfois aussi sous la pression des actionnaires ou des financeurs. Et ceci n’est qu’un constat.
Attention, je ne dis pas ici que le management collaboratif n’existe pas… Je dis qu’il existe, qu’il se développe mais qu’il reste encore assez marginal dans son acceptation pleine et entière, en tant que modèle de management irriguant toute une organisation. Il existe ponctuellement, dans certains contextes favorables, pour certains projets, ou dans des poches d’entreprise, souvent du fait de la présence d’un homme ou d’une femme en particulier. Le renouvellement des générations de managers contribuera sans aucun doute à lui donner un essor plus grand.
Au final, retenons de ces modèles, qu’ils progressent et supplantent peu à peu de vieilles recettes managériales reposant sur le duo « prescription-contrôle ». Et pour ma part, je considère que c’est une très bonne chose ! Car ces modèles font tous deux confiance à l’Autre, le prenne en considération dans sa singularité, et lui offre l’opportunité de « contribuer » et de se développer. Par ailleurs, je considère ces modèles, surtout le collaboratif, comme étant les seuls à même de redonner aux jeunes générations le goût de l’entreprise.