Manager à l’heure du modèle hybride : évolution ou révolution ?
Mais, au fond, le management hybride est-il si différent d’un management en présentiel ? Sous l’angle des objectifs poursuivis, pas vraiment… Il s’agit en effet de définir un cadre, fixer une ambition et des objectifs communs, et accompagner son équipe, en créant les conditions d’efficacité du travail et en développant le niveau de compétences.
Ce qui change, c’est l’environnement dans lequel le manager évolue : une partie de son équipe est au bureau et une autre à la maison… Et chaque jour – cas le plus répandu – ce ne sont jamais les mêmes. Petite subtilité : en tant que collaborateur, le manager est lui aussi amené à hybrider ses lieux de travail. C’est d’ailleurs important qu’il le fasse pour mieux comprendre ce que vivent ses collaborateurs.
- La dimension spatiale : alternance des lieux bureau/maison ;
- La dimension temporelle : alternance d’activités synchrones et asynchrones ;
- Les outils : le recours quotidien aux outils digitaux, parfois nouveaux, a été démultiplié (agenda partagé, visio, groupe de discussion, outil collaboratif de gestion de projet) ;
- La nature de la relation managériale : elle alterne désormais une double proximité : physique et distancielle ;
- Les modalités d’existence de l’équipe : si le « collectif équipe » demeure, ses membres se trouvent le plus souvent physiquement « dispersés » ;
- Enfin, le travail distanciel impose de fait une autonomie plus grande des collaborateurs et une dose de confiance plus importante du manager, en quelque sorte obligé à « lâcher prise » dans ce nouveau contexte.
Les relations : l’équipe est dispersée, et les « liens sociaux » bousculés. Sans règles claires et connues, des dissensions peuvent apparaître entre ceux habilités à télétravailler et les autres. Par ailleurs… difficile de penser à tout le monde, de partager quotidiennement les informations utiles à tous, de faire en sorte que tous ses collaborateurs accèdent aux mêmes ressources en temps réel. Au-delà des ruptures possibles de communication, existe aussi un risque d’inéquité que pourrait inspirer le manager par ses attitudes. Et ce, malgré lui !
La communication, est de fait rendue plus complexe. Elle se passe d’une partie des temps informels devant la machine à café ou encore de la richesse de la communication non verbale, si précieuse pour décoder des signaux faibles.
La collaboration : très concrètement, le mode hybride ajoute une dose de complexité à la mise en place d’un management collaboratif, lui-même basé sur la puissance de l’intelligence collective. Cette dernière demeure mais elle doit être davantage pensée et « orchestrée », ce qui implique pour le manager d’en avoir conscience et de consacrer plus de temps et plus d’énergie à sa tactique.
La visibilité, car le manager était habitué à « voir » facilement le travail de chacun. Les risques ? Passer à côté d’une baisse de production/productivité ou de motivation, un sentiment d’inconfort ou d’isolement de certains membres de son équipe…
Enfin, le rapport du manager à la notion de « contrôle » : en mode hybride, exit le micro-management… Et celles et ceux qui y sont habitués se retrouvent vite en situation de fragilité…
La combinaison de ces risques peut rapidement peser sur la performance d’une équipe.
Votre entreprise définira sans aucun doute des grands principes ou normes de fonctionnement, sous forme d’accord d’entreprise par exemple, ou encore de charte pour une PME. En tant que manager, je vous invite à discuter ces normes et à les expliciter à vos collaborateurs. Dans un second temps, adaptez-les ensemble à votre service/direction. Ce cadre doit être le vôtre mais aussi celui de votre équipe et chacun doit s’y sentir à l’aise. Il décrira toutes les dimensions utiles : répartition des activités télétravaillables ou non, identification des outils à disposition, des modalités d’élaboration et règles des plannings, des temps collectifs et des rituels, etc. Deux règles d’or : co-construction et transparence.
Sur ce point, deux principes à respecter :
En tant que manager, vous êtes garant du bon niveau de circulation et de partage de l’information. Un seul principe : l’équité dans l’accès aux données, quel que soit le lieu de travail. Assurez-vous également de la maîtrise des outils digitaux par tous vos collaborateurs : outil de partage d’information asychrone, d’animation de réunion, de gestion de projet, agenda partagé, etc. Evaluez les besoins et développez un plan de développement de compétences.
En mode hybride, l’autonomie de vos collaborateurs s’impose à vous. Vous devrez faire davantage confiance et développer la capacité de vos collaborateurs à être autonome dans la réalisation de leur travail. Mais attention, cette autonomie ne signifie pas disparaître et laisser « faire ce qu’on veut »… De nombreuses études montrent qu’il n’y a pas de lien entre quantité et qualité du travail et lieu de réalisation. Oui sûrement… sous réserve pour le manager d’avoir formulé clairement ses attentes. Car on le sait, le risque de l’autonomie, c’est la démobilisation.
Pour cela, vous définirez précisément le champ des activités à réaliser sur les temps distanciels ; les objectifs doivent être précis et, plus que jamais, fixés dans le temps. Multipliez les temps de management inidividuel. Autorisez-vous à faire des entretiens, plus courts et plus ciblés… et adaptez ce rythme à la maturité de vos collaborateurs. Portez votre regard sur le résultat. Mettez l’accent sur les productions, les « livrables », le « Quoi » et moins sur le « Comment ».
En mode hybride, les temps de management individuel doivent être plus nombreux et adaptés à chacun de vos collaborateurs selon leurs besoins, qu’ils soient exprimés ou pas.
En one to one, les sujets à aborder sont nombreux : l’activité elle-même : suivi, nouveaux objectifs, priorisation, difficultés éventuelles, besoin d’éclairages. Le bien-être de votre collaborateur : besoins de formations aux nouveaux outils, difficultés techniques liés aux équipements, calage du rythme télétravail/bureau etc.
Ces échanges seront aussi l’opportunité de renvoyer des feedbacks, notamment sur l’organisation du travail hybride. Abordez aussi bien les points positifs que ceux à améliorer.
Ils peuvent aussi vous amener à « flirter » davantage avec la vie personnelle de vos collaborateurs : environnement de travail, trajet, contraintes familiales… Une nouvelle forme de proximité s’installe. Trouvez le juste équilibre pour ne pas être intrusif mais suffisamment sensible aux situations individuelles. L’empathie dont vous ferez preuve sera une des clefs de réussite dans la mise en place de votre management hybride. Gardez en tête que cette nouvelle organisation est un bouleversement dans le quotidien professionnel de vos collaborateurs et exigent une attention sincère pour ce qu’ils vivent. Vous devez réussir à comprendre et à vous adapter aux besoins de chacun, tant professionnels que personnels.
La solitude et l’effritement du sentiment d’appartenance sont des risques importants dans la mise en place du travail hybride. Dans ce contexte, votre rôle est désormais de créer des opportunités de liens sociaux. Autorisez-vous à organiser des moments ritualisés où l’ensemble de l’équipe est physiquement présente.
Des trucs et astuces permettent aussi de forger les liens quel que soit le lieu où l’on se trouve… Proposez par exemple proposer un temps de bavardage informel en début ou fin de réunion, impulsez des quizs virtuels ou des concours, créez une messagerie instantanée pour le partage d’infos informels, proposez un lien de visio permanente où les gens se retrouvent pour faire une pause-café à distance, voire déjeuner…
Alors le management hybride : évolution ou révolution ? Je vous laisse vous forger une conviction. Mais à ce stade, deux idées me semblent essentielles :
Premièrement, le management, hybride ou pas, reste du management avec des objectifs similaires. En revanche, les exigences qui reposent sur le manager sont plus fortes. Elles montent d’un cran. Deuxièmement, la prise de conscience des dirigeants et des managers de ce qui se passe pour eux et pour leurs équipes est indispensable